Lire?

Il y a D. qui trouve ça inesthétique (l’objet, supputons qu’il va s’y mettre et vite, aux tablettes, ou : ce ne serait qu’un fallacieux prétexte ?). Il y a R. le luchinien (il relit, et relit, et relit encore, jusqu’à épuiser tous les sens, explorer les moindres recoins, peler les multiples peaux). Il y a O. qui fait des listes de à lire, dans un petit carnet (il raye à mesure, il a ce côté scientifique et exhaustivité du bibliothécaire). Il y a C. pour se détendre dans le bain à bulles, il y a E. qui est trop occupée à liker sur facebook, il y a F. qui les recevait pour Noël il laissait les beaux bandeaux rouges dessus il les empilait à gauche de la cheminée, il y a petit F. qui recouvre les couvertures qui font peur, en trouvant vachement bien, les gros mots de Zazie ou d'Oppel (ne dis pas merdre devant Tonton Ginette), il y a M. qui dit ah oui c’est bien bonne intrigue les personnages sont attachants, il aime faire part de ses coups de cœur dans divers forums et autres blogs il met même des petites étoiles, il y a D. qui ne lit jamais de romans pourtant ce n’est pas sans considérer que ce serait le genre ultime (celui qui aurait la capacité d’englober tous les autres genres), il y a H. qui dit à quoi ça sert, il y a E. qui les recueille dans les poubelles (les abandonnés), il y a B. qui ne lirait pas si Marc Levy n’existait pas (et que dire), il y a L. qui est contre l’imagination, S. contre l’autofiction (tout englober dans des grands sacs), Z. contre la blanche, X. contre la noire, il y a ceux qui ne lisent que les lauréats (tant bien que mal), il y a ceux qui disent c’est un voyage, c’est un divertissement, c’est obsolète (regardons plutôt des images), ceux qui disent c’est comme faire l’amour, c’est du faux, c’est du vrai, ceux qui ont besoin, ceux qui détournent, prennent dans la gueule, meurent vingt fois, renaissent, ingurgitent, tombent, se relèvent, trouent parfois leur long cercle de solitude, considèrent que c’est la vie, la vie comme respirer, manger, se mouvoir, parler, écouter, aimer, bref et pour faire court, tous ceux qui sont hantés, tous ceux qui ne pourraient pas faire autrement même s’ils sont ridicules, les pauvres.
Il y a S. qui lit tout ce qui bouge n'importe comment, même les morts-nés.



ce qui est lu nous regarde avec des yeux ronds